Le judo britannique n’avait plus connu de sacre européen junior masculin depuis 25 ans. Mais Irakli Goginashvili, à Bratislava, lors des Championnats d’Europe juniors 2025, a changé la donne. Le judoka du club Palavani à Londres, a remporté l’or dans la catégorie des -73kg, offrant au Royaume-Uni une victoire historique et, peut-être, un nouveau visage pour incarner l’avenir du judo national.

La plus belle des récompenses au bout de l’effort
Dès le début du tournoi, Goginashvili a montré qu’il n’était pas là pour faire de la figuration. Classé tête de série et faisant partie évident des favoris, il a pourtant dû batailler dans la plupart de ses cinq combats, affrontant des adversaires coriaces et des situations parfois tendues. Son entrée en lice contre le Chypriote Iakovos Kurauli fut expéditive, conclue par un ippon en à peine une minute, parfait pour se mettre en confiance. Mais dès le deuxième tour, les choses se sont corsées : face au Moldave Renat Croitoru, il a dû aller en golden score, profitant d’un troisième shido adverse pour s’imposer. En quart de finale, il a affronté l’Italien Lucio Tavoletta dans un duel de près de neuf minutes, où l’intensité physique a failli le faire craquer. Mais Goginashvili a tenu bon, trouvant les ressources pour conclure par ippon.
La demi-finale contre le Bulgare Victor Skerlev fut plus maîtrisée : un waza-ari suivi d’un yuko lui ont permis de gérer la fin du combat avec sang-froid et de s’imposer aux points. Puis vint la finale, contre le Suédois Narek Vardanian. Ce fut le combat le plus long et le plus éprouvant de la journée : près de dix minutes, dont six en golden score, avec des pénalités qui s’accumulaient et une tension palpable. C’est finalement sur une tentative désespérée de sasai-tsurikomi-ashi de son adversaire que Goginashvili a trouvé l’ouverture, et l’a contré de manière intelligente, malgré la fatigue physique et mentale, plaçant un koshi-guruma puissant pour sceller la victoire. Ce moment, il l’attendait depuis longtemps. Après trois participations aux Championnats d’Europe juniors sans dépasser les premiers tours, il a enfin su trouver la clé en changeant notamment son approche mentale : « Avant, je pensais trop à ce que les gens attendaient de moi. Aujourd’hui, je me suis concentré sur moi, sur tout ce que j’ai fait à l’entraînement. »
Né à Londres, Irakli Goginashvili baigne dans le judo depuis l’âge de deux ans. Son père, Levon, est son entraîneur depuis toujours, et son grand-père était également judoka, toud deux géorgiens. Cette filiation géorgienne, il la revendique avec fierté : « Je vis en Angleterre, mais mon sang est géorgien. Le judo, c’est dans ma famille. » Ce n’est pas qu’une question de racines : c’est aussi une question de méthode. Régulièrement, le jeune Britannique se rend en Géorgie pour s’entraîner, notamment à Tbilissi, où il bénéficie de l’intensité des randoris et du niveau technique d’un pays qui est devenu une référence mondiale dans la discipline.
À Paris, lors des derniers Jeux Olympiques, la Géorgie a confirmé son statut en décrochant trois de ses sept médailles : une en or et deux en argent. Ce n’est donc pas un hasard si Goginashvili s’imprègne de cette école, réputée pour son judo explosif, son engagement total et sa capacité à produire des champions dans toutes les catégories malgré la petite taille du pays (3.6 millions d’habitants). Ce lien régulier avec les structures géorgiennes lui permet de compléter son travail en club à Londres, où il évolue au Palavani Judo Club, tout en bénéficiant du soutien de figures britanniques comme Chloe Cowen-Vickers et Simon Moss. Ce double ancrage pourrait donc permettre au judo britannique de retrouver une stature qu’il peine à atteindre depuis des décennies. Dans une discipline où le Royaume-Uni n’a jamais véritablement brillé sur la scène internationale masculine — en dehors de quelques éclats isolés — la trajectoire d’Irakli Goginashvili offre une perspective nouvelle et pourrait entraîner avec lui d’autres jeunes sportifs voulant faire des jeux de Los Angeles puis de Brisbane des évènements mémorables pour le judo britannique.