À seulement 19 ans, Noah Caluori a fait irruption sur la scène du rugby anglais avec la brutalité d’une évidence. En l’espace de quelques semaines, l’ailier des Saracens est passé de jeune espoir de l’académie à sensation de la Premiership, inscrivant cinq essais lors de sa première titularisation. De quoi attirer l’attention de Steve Borthwick, qui l’a aussitôt intégré au groupe élargi de l’équipe d’Angleterre. Un ascenseur express pour un joueur que certains observateurs, à commencer par Sam Warburton, décrivent déjà comme un talent générationnel.

Les débuts d’un surdoué du ballon ovale
Né d’un père suisse et d’une mère britannique avec des origines nigérianes, Noah Caluori a grandi dans le sud-est de Londres, loin des projecteurs mais déjà habité par une rare précocité athlétique. Élève de St Dunstan’s College puis de Mill Hill School, il jongle longtemps entre deux passions — le basket-ball et le rugby — avant que son explosivité et son sens du timing ne le poussent définitivement vers le ballon ovale.
C’est donc à Blackheath Rugby Club, l’un des plus anciens clubs du pays, qu’il fait ses premières gammes. Grand et puissant (1,94 m pour 100 kg) et doté d’une détente hors norme, il se fait rapidement remarquer dans les catégories jeunes. À seulement 17 ans, il est déjà suivi par les recruteurs des Saracens, qui voient en lui un profil rare : un ailier aérien, capable de dominer physiquement tout en conservant une élégance dans la course.
Intégré à l’académie du club londonien, Caluori progresse à une vitesse impressionnante. En parallèle, il découvre la scène internationale avec l’équipe d’Angleterre U18, où il se fait remarquer par un essai spectaculaire face à l’Afrique du Sud, parti de ses 22 mètres. Moins d’un an plus tard, il enfile déjà le maillot des U20 lors de la Coupe du monde des moins de 20 ans, confirmant son statut de jeune homme pressé.
Sa trajectoire est fulgurante : entre août 2024 et l’été 2025, il gravit toutes les étapes du développement fédéral anglais, sans jamais paraître en décalage. “Ce qui frappe chez lui, c’est la sérénité”, confiera plus tard un membre du staff des jeunes Saracens. “Il apprend à une vitesse folle. Rien ne semble trop grand pour lui.”
L’éclosion d’un véritable phénomène
Le 26 septembre 2025, Noah Caluori découvre la Premiership avec un premier essai dès sa toute première apparition, face à Newcastle. Une entrée en matière idéale, mais ce n’était qu’un avant-goût.
Trois semaines plus tard, à StoneX Stadium, il signe l’une des performances les plus retentissantes de la décennie pour un débutant : cinq essais contre Sale Sharks. Le public, d’abord incrédule, se lève à chaque accélération, à chaque envolée aérienne du jeune ailier. En un seul match, Caluori passe du statut d’espoir prometteur à celui de phénomène national.
Sam Warburton, consultant pour TNT Sports et ancien capitaine du pays de Galles, peine à trouver les mots. “Je n’ai jamais vu un joueur aussi fort dans les airs, jamais”, lâche-t-il à la mi-temps. Après le match, il ira plus loin :
“Il est presque indéfendable. Il a ce facteur X que seuls quelques joueurs possèdent. Qu’on le mette tout de suite dans l’environnement de l’équipe d’Angleterre.”
Ces mots, venant d’un joueur respecté des deux côtés de la Manche, résonnent fort. Et ils ne sont pas isolés : Chris Ashton, légende des Saracens et meilleur marqueur d’essais de l’histoire du championnat, s’est lui aussi dit “sans voix” devant la prestation du jeune homme. “S’il continue à ce rythme, il lui faudra vingt matchs pour battre mon record”, plaisante-t-il à l’antenne. Même Alex Sanderson, entraîneur de Sale et pourtant victime du récital, a tenu à saluer le prodige : “Il nous a battus presque à lui seul. Il est aussi dangereux dans les airs qu’au sol. C’est un talent rare.”
Dans la foulée, Mark McCall, directeur du rugby des Saracens, tente d’apaiser l’emballement. “Noah est un joueur unique dans sa manière d’aborder le jeu aérien, mais il faut le laisser grandir. Il a les pieds sur terre, et c’est un garçon très équilibré.”
Une mise en garde lucide, tant la pression autour du jeune ailier s’intensifie. Pourtant, rien ne semble troubler Caluori, qui évoque lui-même “une soirée irréelle” et dit vouloir simplement “apprendre auprès de Maro Itoje et des autres cadres de l’équipe”.
Cette maturité, conjuguée à un potentiel athlétique rare, a convaincu Steve Borthwick d’agir vite. Dès le lundi suivant sa démonstration, le sélectionneur anglais annonce que Noah Caluori rejoindra le groupe d’entraînement de l’équipe nationale pour la préparation des Tests d’automne. Une décision prise “dans le cadre d’un accord de développement” avec les Saracens, destinée à lui offrir un avant-goût du très haut niveau.
Pour Borthwick, il ne s’agit pas encore d’une convocation officielle, mais bien d’un investissement sur l’avenir avec un idée très claire : l’exposer, le tester, mesurer sa capacité à assimiler la rigueur et la vitesse du jeu international.
“C’est une décision intelligente”, analyse un journaliste du Telegraph Sport. “L’Angleterre a souvent été prudente avec ses jeunes, mais un profil comme celui-ci, il faut le voir de près. C’est un ailier à part : grand, rapide, aérien, imprévisible.”
Et il est vrai que Caluori possède ce quelque chose d’inédit.
Son jeu aérien, d’abord, rappelle celui d’un arrière australien ou d’un footballeur américain : une coordination exceptionnelle et une impulsion vertigineuse. Sur les ballons hauts, il semble flotter dans les airs, dominant systématiquement ses adversaires. Sam Warburton a résumé ce sentiment d’impuissance : “Quand il saute, vous ne pouvez rien faire. C’est comme affronter quelqu’un qui joue à un autre niveau.”
Mais Caluori ne se limite pas à ses prouesses dans les airs. Sa puissance de course, son relâchement dans la finition et son sens du timing en font déjà un joueur redoutable à proximité de la ligne. Surtout, il dégage cette impression rare de plaisir brut, d’un gamin qui vit chaque match comme une aventure.
Pour les Saracens, habitués à faire éclore des talents (Maro Itoje, Owen Farrell, Ben Earl), la trajectoire du jeune ailier incarne la nouvelle génération d’un club en pleine transition. Pour l’Angleterre, c’est peut-être le début d’une nouvelle ère sur les ailes : celle d’un joueur capable de redéfinir le rôle d’ailier dans le rugby moderne.